Né au beau milieu des Trentes glorieuses, à une époque où langue et culture basques sont méprisées des Basques euxmêmes et où aucune revendication politique ne perce sous l’immuable chape gaulliste, alors qu’au Sud de la Bidassoa l’embryonnaire ETA n’a pas encore franchi le pas de la résistance armée face à la dictature franquiste, les jeunes loups d’Enbata formulent un projet pour le moins incongru : changer de patrie. Autour d’un journal éponyme et sur la base d’une charte encore aujourd’hui gravée dans la pierre, à l’endroit où elle fut proclamée voici un demi-siècle, une poignée de militants déterminés propagent leur message « nationaliste basque et fédéraliste européen ».
Tantôt traité d’Enbata zikina selon l’insulte devenue fameuse, tantôt encensé comme le creuset d’une renaissance qui se déclinera dans des domaines aussi divers que les ikastola, les coopératives, le théâtre et la chanson basques ou encore le soutien aux réfugiés d’ETA, Enbata disparaît brutalement le 30 janvier 1974 sur décret d’interdiction du ministre de l’Intérieur Raymond Marcellin.
Son histoire mouvementée n’aura duré qu’un peu plus d’une dizaine d’années. Pourtant, par les intenses réflexions idéologiques qu’il aura produites, par les candidatures abertzale qu’il aura portées, ou encore par la génération de militants qu’il aura formée, Enbata se révèle être à la source du mouvement basque contemporain tel qu’il s’est développé depuis et tel qu’on le connaît aujourd’hui.
En voici l’histoire.